Kai Men She est un exercice de
présentation des pratiques internes des Daoyin Fa Qi Gong en général et de
l’école taoïste du Ling Pao Ming (école du Joyau Sacré) en particulier.
Il s'agit d'une pratique de synthèse servant de préparation corporelle et énergétique.
Kai Men She permet une découverte des exercices d'entretien de la vitalité - Qi Gong - , et permet de comprendre les principes essentiels à cet entretien. En ce sens, Kai Men Shi ouvre des portes et offre la possibilité d'appréhender les règles fondamentales.
L’enchaînement
se déroule de la façon suivante :
1
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WUJI –
L’ORIGINE
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2
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MARCHE IMMOBILE : balancer les bras
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3
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PRENDRE LA SPHERE DANS LES MAINS
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CALMER ET PACIFIER
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5
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EVEILLER ET CONCENTRER
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6
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MOBILISER
ET STABILISER
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7
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TROIS MOBILISATIONS/REGENERATIONS : PETITE,
MOYENNE, GRANDE
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8
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ACCROITRE POUR UTILISER :
mobilisation/accueil/conduite/contrôle/utilisation
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9
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PRENDRE L’ENERGIE EN MAIN : massages des mains
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10
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AUTOMASSAGES :
Tonifier le centre inférieur
Disperser le centre médian
Répartir l’énergie ancestrale
Mobiliser les membres supérieurs
Stabiliser les membres supérieurs
Ouvrir le centre supérieur
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L’ETRE HUMAIN ENTRE CIEL ET TERRE :
Accueillir l’énergie céleste
Comprendre l’essence terrestre
Echanger avec l’être humain
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OUVRIR LES 12 PORTES
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13
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DEUX HARMONISATIONS :
harmonisation d’accueil (3)
harmonisation de retour au calme (2)
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PETIT
SALUT
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LIBERER
LE BASSIN :
côté/droite-gauche/haut-bas/dextre (3)/senestre(2)
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RENFORCER LES GENOUX
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LAISSER L’EMPREINTE DES PIEDS : talons/orteils
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S’ASSEOIR (en croisant sur l’avant)
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RECHAUFFER LES GENOUX
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20
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S’ETENDRE ET ENLACER LE CIEL
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ENLACER LES MAINS, S’ETENDRE ET BAILLER
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22
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SE
RELEVER EN SPIRALE
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23
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MARCHE IMMOBILE : petit balancement de retour
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24
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WUJI – RETOUR A L’ORIGINE
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La pratique commence avec une posture de réglage et d'alignement : Wu Ji
Wu Ji, signifie le
Sans Forme, le Non Manifesté, Les Choses Telles Qu'Elles Sont...
C'est ce qui est indéfini avant la création du ciel et de la terre, ce
qui contient tout sans le montrer, à l’image
même du Tao.
Wu Ji, c’est La position de
l’homme centré dans l’univers. Cette posture préconise le placement correct du
corps suivant l’axe de la colonne vertébrale et du bassin. Elle se prend
suivant les principaux réglages qui déterminent l’alignement et le
positionnement du corps :
Equilibre sur le plan frontal,
sur le plan sagital, le plan horizontal, se placer entre extension et flexion,
ouverture et fermeture, s’aligner sur l’axe verticel, et situer son corps sur
l’axe du ciel et de la terre.
Dans cette position qui
privilégie une légère rétroversion du bassin, les épaules sont tombantes, le
menton est légèrement rentré et le sommet du crâne légèrement tiré vers le
haut. Les pieds sont parallèles et la posture se stabilise par un jeu subtil du
transfert du poids du corps tout d’abord sur les talons (Terre), puis sur la
pointe des pieds (Ciel) afin de centrer ce poids sur la plante du pied (Homme).
On agit ainsi par ce jeu simple
du positionnement du corps sur les trois diaphragmes ostéopathiques : le
diaphragme crânien, thoracique et pelvien.
La médecine chinoise
traditionnelle prend en compte : la structure corporelle (os, tendons,
muscles, etc.), les fluides (sang, liquides lymphatiques, eau, etc.), les
organes et les viscères, l’essence fondamentale véhiculée dans les os (le
Jing), l’essence fondamentale véhiculé dans le souffle et le sang (le
Qi), ses diverses manifestations (Hun, Po, etc.) et l’essence
fondamentale véhiculée par l’esprit (le Shen).
L’entretien de la santé, de la
vitalité (but principale du thérapeute en médecine traditionnelle chinoise)
passe par la conservation du bon fonctionnement de ces divers éléments.
La structure corporelle est
entretenue globalement dans Kai Men She, par un jeux successif de mouvements de
plus ou moins grandes amplitudes, par un travail mettant en action les
articulations, les axes principaux du corps (bassins, colonne vertébrale,
etc.), les tendons et les muscles, la position. Il s’agit là de toute la partie
apparente, périphérique et superficielle (gymnique) de Kai Men She.
Le travail sur les fluides et le
Qi intervient plus précisément dès le début de la pratique avec les exercices
de 1 à 6.
Georges Charles, de
l’école San Yi Quan explique :
« Dans la pratique du Tao-Yin Qigong de l’Ecole
Taoïste du Ling Pao Ming (Ling Pao Ming Siu Tan Pai Tao Yin Qigong), codifiée
au XIIIe siècle il existe dans les formes préparatoires du Kai Men Shi
(« Ouvrir les Portes de la
Pratique ») et du Yi Yin Fa (« Exercices
Préparatoires) plusieurs types de balancements rythmiques qui permettent de
mobiliser spécifiquement l’énergie vitale (Qi) grâce à des mouvements liquidiens
(Jing) profonds et ceci en vue d’obtenir un effet particulier.
Calmer le Cœur et Pacifier l’Esprit (An Xin Jing Shen) :
Il s’agit d’un balancement latéral plus ou moins rapide,
plus ou moins tendu, plus ou moins ample, dont le but est de pacifier l’Esprit
(Jing Shen). En effet dans la conception
chinoise classique le Cœur (Xin) engendre une entité viscérale (ou une fonction
extraordinaire) qui est l’Esprit (Shen). Lorsque le cœur est calme l’esprit est
donc en paix. Calmer le cœur permet de pacifier l’esprit. Un cœur agité par la
colère, par l’envie, par la méfiance engendre un esprit belliqueux et agressif.
Les pratiques chinoises issues du Taoïsme, du Bouddhisme, du Confucianisme
attachent une grande attention à ce que l’esprit soit pacifié mais il ne s’agit
en aucun cas d’une espèce de « légumisation » ou d’endormissement de
la conscience. Pour éviter ce risque une seconde série de balancements suit cet
exercice.
Eveiller les Sens et Concentrer l’Energie (Kai Tang He Qi) :
Le balancement est frontal, donc d’avant en arrière et suit
le rythme de celui pratiqué précédemment. L’action se situe principalement
entre le sommet du crâne (point Baihui) et le centre du périnée (point Huiyin)
et implique de ce fait un mouvement crânio-sacré bien connu des ostéopathes. Il
convient alors de jouer entre ténèbres (Yin) et clarté (Yang), d’inspirer en
montant et d’expirer en descendant. En
montant les bras s’entrouvrent au niveau du diaphragme et en descendant elles
se rejoignent au niveau de la symphyse pubienne. Il convient d’éveiller les
sens (littéralement « ouvrir les sens » (Kai Tang)) mais sans en
devenir l’esclave. Donc en respectant la « juste mesure ».
A ce sujet l’un des grands philosophes Taoïstes, Zhuangzi
(Tchouang Tseu) explique (L’œuvre complète II) : « C’est en marchant
que la Voie est
tracée, c’est en les nommant que les choses sont définies. La juste mesure
permet la pratique, la pratique amène un résultat, le résultat représente le
succès. Parvenir au succès est proche du Tao. Il faut affirmer les
faits ». Il convient également de concentrer l’énergie (He Qi) sans
bloquer ou enfermer celle-ci. Elle doit être concentrée mais libre d’agir.
C’est pour cette raison qu’il existe une troisième série de
mouvements rythmiques.
Mobiliser l’Energie et Stabiliser la Posture (Dong Qi Xi Tai) :
Ce mouvement est un balancement vertical. Dans la phase de
mobilisation (Dong) les mains paumes vers le haut montent jusqu’à la poitrine
dans une inspiration. Dans la phase de stabilisation (Xi) les mains redescendent
paumes vers le sol jusqu’au niveau des hanches. La mobilisation de l’Energie
(Dong Qi) permet d’affermir la posture (Xi Tai) et, par contre coup une posture
bien stabilisée permet à l’Energie de mieux se mobiliser, donc d’agir. La
mobilisation Dong correspond également au caractère classique désignant
l’Orient (soleil montant), la stabilisation Xi correspond également au
caractère classique désignant l’Occident (soleil couchant). Originellement les
extrême orientaux avaient l’habitude de s’agenouiller tandis que les
occidentaux avaient, et ont, l’habitude de s’asseoir. Ce qui implique des
différences dans la perception du mouvement. Les orientaux nous considèrent
comme « assis » et quelque peu sclérosés dans nos habitudes et dans
nos attitudes. Ils considèrent donc que la tradition est toujours en mouvement
et toujours renouvelée. De l’autre coté du miroir nous avons, évidement, une
conception quelque peu différente de cette tradition orientale ! Précisons
encore que le Qi (Chi, Tchi, Tsri, Ki…en fonction des transcriptions utilisées)
possède, dans les dictionnaires classiques de la langue chinoise, plusieurs
définitions particulières. La première d’entre-elles est simplement l’air. La
seconde est le souffle. La troisième est l’énergie. La quatrième est la
vitalité. C’est la logique chinoise. Si il y a air, il y a souffle, si il y a
souffle il y a mouvement, donc énergie, si il y a énergie et mouvement il y a
vie donc vitalité. Sans mouvement, sans énergie, sans souffle et sans air il
n’y a pas de vie. Respirer c’est motiver le souffle, motiver le souffle c’est
favoriser l’énergie, favoriser l’énergie c’est s’ouvrir à la vie.
Cette dernière série peut également s’effectuer en position
agenouillée ou/et en position assise.
La mobilisation correspond à des mouvements circulaires
dans le sens des aiguilles d’une montre (dextrogyre) en allant de la périphérie
en surface vers le centre et la profondeur. L’image est de saisir la lumière
superficielle et périphérique et de l’amener vers le centre et la profondeur en
vue d’une « clarification » (Ming).
La stabilisation correspond à des mouvements circulaires
dans le sens des aiguilles d’une montre (sénestrogyre ou lévogyre) en allant du
centre en profondeur vers la surface en périphérie. L’image et d’aller chercher
en profondeur ce qui est usé, ancien et de l’amener vers l’extérieur en vue
d’une « purification » (Xing).
Un mouvement de synthèse (entre clarification et
purification) correspond à des mouvements en lemniscate (infini en forme de 8
horizontal) et ceci dans deux directions différentes possible.
La raison profonde de ces divers balancements est de
permettre au corps de libérer les entraves de protection qui limitent,
justement, le mouvement profond des liquides. En effet, le cerveau est tout
particulièrement protége par le crâne mais également par le liquide céphalo
rachidien qui s’oppose aux mouvement violents qui seraient en mesure de blesser
le cerveau. Des membranes intra crâniennes (méninges, faux du cerveau, tente du
cervelet) limitent également, par simple tension de réaction, ces mouvements.
C’est le principe d’un œuf cru placé dans un bocal. Si on remue le bocal on
casse l’œuf. Si on remplit ce bocal d’eau froide il devient plus difficile de
casser l’œuf. Avec de l’eau tiède et salée cela devient très difficile. Si, de
plus on place l’œuf dans un sac en plastique il devient impossible de le casser
sans casser le bocal. Mais cela limite le mouvement de l’œuf dans le
bocal ! Par un balancement lent, rythmique et progressif on parvient à
mobiliser l’œuf sans risque de le briser. Lorsque le corps se méfie, à juste
titre, du mouvement que l’on va faire effectuer au crâne il renforce ces
défenses limitant le mouvement du cerveau. Le cerveau est protégé mais
immobile, voire contraint. En habituant le corps progressivement à un mouvement
non agressif, donc considéré comme non dangereux et même plaisant, il relâche
naturellement ces défenses et le cerveau retrouve sa mobilité et un état de
veille assez proche de celui de la méditation ou du rêve. Et libère le
mouvement du liquide (Jing) et par conséquence de l’énergie (Qi) de manière,
grâce à la juste mesure, de parvenir à un résultat. Donc de s’approcher du Tao.
Quelques définitions classiques qui permettent d’y voir un
peu plus clair : « c’est en nommant les choses qu’elles sont
délimitées » : respiration Re (relier) Spir (l’esprit) axion (à
l’acte).
Respirer c’est relier l’esprit à l’acte. Dans l’inspiration
l’esprit (Spir) agit (axion) ) l’intérieur (In) tandis que dans l’expiration
l’esprit agit vers l’extérieur. La décontraction c’est enlever (De) ce qui
empêche (contre) d’agir (action), la relaxation c’est re-lâcher-l’action ou
laisser-faire mais en conservant son axe, donc son équilibre.
La méditation c’est, étymologiquement Agir (Action) Centré
(Médius). Les termes sanscrits de Dhyana, chinois de Chan Na (Chan), japonais
de Zen Na (Zen) désignant la méditation correspondent également à la définition
classique et simple d’Agir Centré. Il est difficile de retrouver son centre si
on ne délimite pas la périphérie. Ces balancements permettent de définir
corporellement cette périphérie, donc d’agir avec la conscience du centre. Par
la suite on retrouve l’aphorisme « Dans la méditation le centre est
partout, la périphérie nulle part ».
Cela implique que le centre se retrouve dans toutes les
parties du corps et du mouvement, ce qui permet alors d’échapper à la
contrainte du milieu périphérique (qui peut être social, religieux…) donc
d’être libre d’agir. »
Le Qi cesse d’exister la où apparaît la forme, sauf si
cette forme est animée d’un mouvement.
Aussi, afin de pouvoir utiliser le Qi, il convient de
mettre le corps en mouvement.
La mobilisation du Qi en vue de son utilisation devient
alors possible, et si on respecte les règles de travail du Qi, le potentiel de
l’énergie devient alors optimale.
Pour optimiser le travail du Qi il convient dans un premier
temps de mettre en branle celui-ci, puis de le mobiliser afin de l’absorber,
pour finalement le conduire en vue de le contrôler pour l’utiliser (Shi Ban Gong
Bei : pour moitié d’effort, résultat double).
L’utilisation
du Qi peut être alors faite à l’appréciation de chacun, soit pour des massages,
mais aussi pour l’acupuncture, la calligraphie ou tout simplement la cuisine.
Pour des auto-massages
(Anmo), on peut par exemple partir des paumes (terre), se diriger vers les
tranchants (métal), les bouts des doigts (eau), la saisie des paumes (bois) et
enfin le dos des mains (feu), dans le but de concentrer l’énergie sur les mains
afin de pratiquer ces auto-massages.
Les trois
sources du Qi
Le Qi (le Souffle, la Vitalité) a trois
sources.
Ces trois sources fournissent à
notre corps le Qi Vital (Qi Ji)
La première source de
vitalité nous est apportée par nos parents. On parle de Qi
Inné (Yuan Qi). C’est en quelque sorte et très vulgairement notre
patrimoine génétique. Un Yuan Qi fort permet déjà d’avoir un terrain
propice à une bonne résistance aux maladies.
Yuan Qi ne peut pas être augmenté.
Il va obligatoirement en diminuant au fur et à mesure que nous vieillissons.
Par contre on peut aisément l’entretenir.
Ce Qi inné s’exprime dans ce que
les chinois appellent le Réchauffeur Inférieur, qui se compose principalement
de l’énergie manifestée dans les reins et le foie et dont le point
d’acupuncture principal d’émanation est Ming Men (4eme point du vaisseau
gouverneur – entre les épineuses des 2e et 3e vertèbres
lombaires)
La seconde source de
vitalité est en rapport direct avec notre alimentation. Le Qi
Alimentaire (Gu Qi) s’exprime quand à lui dans ce que la médecine
chinoise classique nomme le Réchauffeur Médian ou Moyen, qui concerne
principalement l’Estomac et la
Rate.
La troisième source, est,
quant à elle, en rapport direct avec l’air que nous respirons. On parle de Qing
Qi (énergie pure) ou Da Qi (grande énergie). Cette troisième source
d’énergie directement apportée par l’air que nous respirons, alimente le
Réchauffeur Supérieur, composé de l’énergie émanant des poumons et du cœur.
Ces trois sources énergétiques
s’épanouissent donc dans trois régions du corps humain qu’en médecine chinoise
on nomme les Trois Réchauffeurs, ou Trois Foyers ( San Jiao ).
D’un point de vue plus antique et
plus ésotérique (du grec esôterikos « de l’intérieur »), ces trois
foyers d’énergie peuvent être compris d’une manière plus profonde.
Le Réchauffeur Inférieur qui
accueille l’énergie (l’impulsion de vie) que nous ont légué nos parents est lié
dans les classiques taoïstes à la
Terre.
Cette partie de notre être est le
siège des activités physiques, l’origine des formes et des structures Yin
nourricières (dont le sperme et l’ovule en sont les plus évidents exemples).
Le Réchauffeur Médian, qui
accueille l’énergie des aliments est lié quant à lui à un niveau de
compréhension que les chinois désignent communément par l’image de l’Homme ( le
mot Ren en chinois que l’on traduit à tort par homme avec un grand H
indique indifféremment l’homme et la femme et devrait plutôt se traduire par
Etre Humain).
C’est le palais des activités
sensorielles ou artistiques, donc l’origine profonde des énergies et des
mouvements Yang.
Dans les classiques taoïstes
(tout comme en médecine chinoise traditionnelle) ce palais médian est
directement lié au Réchauffeur Supérieur, ou Palais céleste, car le
palais de l’homme est également le siège de l’énergie nourricière (issue de la
rate et de l’estomac) résultant de la transformation conjointe des aliments,
des boissons mais aussi de l’air.
Le Palais Céleste (lié au
Réchauffeur Supérieur) s’exprime principalement par le point Tiantu (22e
point du vaisseau gouverneur – milieu du creux sus-sternal).
Dans la tradition antique des
Daoyin Fa, Maître Georges Charles, de l’école San Yi Quan explique :
« ce palais est communément appelé Hangong, ou Parvis Céleste.
Etymologiquement c’est la place de la
Porte de la Paix Céleste
(Tian An Men), qui précède la Cité Impériale
(Hang Cheng), la Ville Pourpre
(Zijin Cheng) et le Palais Impérial (Gu Gong). C’est la place où l’homme
regarde vers le ciel. Originellement cette place représentait le passage obligé
du monde profane vers le monde du sacré, ou la transformation de l’émotif vers
le spirituel. Comme l’histoire le démontre, il s’agit toujours d’un passage
difficile, d’une porte étroite. C’est le siège du Principe Vital purifié
s’élevant vers les plus hauts sommets. »
Chacun de ces réchauffeurs et des
palais taoïstes qui y correspondent ont trois portes, trois niveaux
d’ouvertures. Une porte haute, une porte moyenne et une porte basse. Il existe
en outre trois portes de transition : le passage de la terre vers l’homme,
de l’homme vers le ciel et la porte de retour du ciel vers l’homme et la terre.
L’exercice 12 de Kai Men She
(ouvrir les douze portes) travaille donc sur tous ces principes précédemment
décrits.
Il s’agit à travers cet exercice
de procéder à une élévation successive au travers de la forme corporelle (Xing
– liée à la Terre),
de la respiration (Qi – liée à l’homme) et de la sensation (Ganjue – liée au
ciel) dans les divers pavillons ou palais de ces trois centres d’énergies.
C’est un exercice globale du travail
de l’énergie vitale ( Qi Ji ) qui englobe l’énergie des reins, du foie,
de la rate, du cœur et des poumons.
Il est dit que le Qi acquis
(celui que l’on développe par la nourriture et la respiration) va alimenter
l’énergie du Qi Inné (celui des reins que l’on hérite de nos parents), mais pas
« l’inné » du Qi Inné.
Travailler globalement sur ces
trois palais (et donc sur les trois réchauffeurs qui y correspondent) permet
donc d’entretenir le Qi Inné et de ralentir sa déperdition.
Ces trois réchauffeurs (San Jiao)
accueillent six points d’acupuncture principaux, que la tradition des
praticiens du Tao nomment les Six Dragons. Ces Six Dragons gardent Cinq Palais,
cinq zones vitales liés à des sensations profondes que le jeu subtil de la
respiration profonde (Tai Xi) et du mouvement permet de capter, d’amplifier et
de potentialiser.
Pourquoi parle t-on de « réchauffeur » ?
Tout simplement parce que l’une des fonctions principales
du Qi est le réchauffement. Le Qi a fondamentalement cinq fonctions :
- le
réchauffement
- la
propulsion : Qi et sang marchent ensemble. Quand le sang ralentit, le
Qi aussi et inversement.
- la
défense : c’est la fonction du Qi qui nous met en accord avec tout ce
qu’il y a autour nous et nous prémunit des attaques extérieures (vent, froid,
chaleur, etc.)
- l’homéostasie :
fonction de régulatio et de rétention, en vue de contrôler (sueur, urine,
etc.) et de maintenir (maintient des muscles, des organes, etc.)
- la
transformation : la matière se transforme et devient une autre
matière (la nourriture se transforme en sang ou en fèces, etc.)
Afin d’assurer convenablement ces diverses fonctions, le Qi
doit être correctement alimenté (et doit donc avoir des réserves dans
lesquelles puiser) et doit circuler correctement (et donc avoir des voies d’accès
et de transport efficientes).
Les réserves du Qi sont nombreuses. Les plus importantes
sont les organes et les viscères et aussi des canaux d’énergie particulier, que
l’on appelle Méridiens Extraordinaires.
Ces Méridiens Extraordinaires ou Merveilleux Vaisseaux (Qi
Jing Ba Mai) alimentent douze méridiens principaux (Shi Er Zheng Jing)
qui relient entre eux viscères et organes.
Chaque organe va délivrer un Qi ayant une fonction, une
qualité particulière. L’énergie délivré par ces organes, peut se trouver en
excès ou en vide d’énergie.
Suivant une loi classique de la médecine chinoise connue
sous le nom de « Loi des Cinq Eléments », mais plus justement et plus
précisément sous le nom de « Loi des Cinq Mouvements », les énergies
des organes et des viscères vont ainsi pouvoir s’équilibrer ou se
déséquilibrer.
Nous ne rentrerons pas dans les théories fondamentales de
la médecine chinoise traditionnelle.
La loi des Cinq Eléments n’est qu’une des théories de la
médecine classique chinoise et pas forcément le plus importante. Elle a même
été délaissée durant une longue période au profit d’autres théories de soins et
de diagnostiques.
Elle nous permet juste de citer ici quels sont ces éléments
et le lien fait avec les organes. C’est de cette théorie qui prend sa source
dans les œuvres antique des praticiens du Tao tels que le Yi King ou le Traité
de l’empereur Jaune, le Su Wen, que viennent par exemple Les Quatre
Images (le phénix rouge, qui est rattaché au cœur, le dragon vert, au
foie, le tigre blanc, aux poumons, et la tortue noire, aux reins).
Ces images et ces symboles permettent au pratiquant
d’atteindre une énergie difficile à travailler. Cette énergie, le Shen, est la
manifestation la plus élevée du Qi, car elle résulte de la transformation du
Qi.
La tradition taoïste explique que le Jing (l’énergie de
l’essence séminale contenue dans les reins et les os), par l’action du souffle
se transforme en Qi, et que le Qi qui est travaillé, peaufiné, se transforme
quand à lui en Shen (énergie spirituelle).
Les symboles et les images aident à fortifier ce Shen, qui
grossièrement peut être assimilée à notre principe conscient, notre esprit.
Ainsi le travail sur les Six Dragons et les Cinq Palais
permet comme il l’a été dit plus haut un éveil des sensations liés aux zones
corporelles délimités par les Six Dragons.
q
De
Hui Yin (réunion du Yin) à Qi Hai (mer de l’énergie) : ce palais est en
rapport avec les sensations liées à la Terre.
Hui Yin comme son nom l’indique, réunit le Yin, la matière,
les formes (Xing). Qi Hai, Mer de l’energie et Hui Yin sont les points de
contrôle de ce qui nous réunit à la terre, de ce qui nous fait prendre conscience de notre
corps dans sa globalité. Quand la respiration agit sur ce point et qu’on
parvient à en avoir une écoute subtile, on peut ressentir le Mouvement
Respiratoire Primaire (M.R.P), mouvement respiratoire crânio-sacré, décrit par
les ostéopathes comme étant le mouvement respiratoire antérieur à la
respiration normale, et s’arrêtant quelques temps après la mort.
Ces sensations organiques profondes sont généralement
diffuses et fort mal localisées. Elles sont qualifiées de
« coenesthésie », ne répondant à aucun organe en particulier, et sont
le fait de corpuscules nerveux disséminés dans la profondeur de nos viscères.
Cette sensibilité profonde nous renseigne habituellement sur l’état de nos
muscles (sensation de fatigue), sur l’état de la circulation générale
(sensation de faim ou de soif), sur l’état de nos nerfs, etc. L’ensemble de ces
sensations constituent donc l’expression subtile de l’état de notre organisme
et de son fonctionnement.
q
De
Qi Hai à Zhong Ting (Palais central). Nous sommes là dans le palais des
activités sensorielles ou artistique.
q
De
Zhongting à Tiantu (Pénétrer le firmament) : Ce palais conditionne notre
rapport au monde, dans l’optique de nous ouvrir à celui-ci, mais aussi de nous
l’accaparer, de s’approprier l’extérieur. On peut y voir l’expression du désir,
mais plus profondément, celle de la volonté.
q
De
Tiantu à Yingtang (palais du silence) : ce palais définit par ces deux
dragons s’appelle Ming Gong, c'est-à-dire Palais de la lumière. Ce stade
est relié au Ciel et est symboliquement représenté comme un cercle ou une
sphère exprimant la projection de la voûte crânienne vers le ciel. Dans la
tradition taoïste du Ling Bao Ming, ce palais est le siège de l’esprit, de
notre rapport aux autres dans la dimension du don, de l’ouverture de soi. Le
désir accepté dans le palais précédant s’exprime dans ce palais en se
redonnant, se redistribuant.
q
De
Yingtang à Bai Hui (cent réunions) : le dernier palais s’exprime sur des
sensations liées à notre perception de l’univers. Cette compréhension et le
ressenti qui l’accompagne et qui nous accompagne tous les jours peut être en
rapport avec une confession religieuse ou tout simplement un « certain
point de vue sur la vie ».
q
Au-delà
de Bai Hui, on entre dans le palais indéfini et informulé de « cet autre
qui est après »… La sensation y est beaucoup plus ésotérique (intérieure)
et aussi beaucoup plus difficile à décrire.
En conclusion…
Des exercices de basculement du corps à la respiration
(re : relier, spir : l’esprit, axion : action) en position
allongée l’exercice de l’ouverture des portes de la pratique (Kai Men She) nous
offre un tour d’horizon complet des pratiques du Tao.
« De tout temps, ceux pratiquent le Tao sont
(…) » Lao tseu, chapitre 15.
Kai Men She est une pratique globale, permettant de travailler de la périphérie
vers le centre, de la position debout à la position allongée, du travail de la
structure (Xing) au travail de l'esprit (Shen) en passant bien évidemment par le travail de la vitalité, le Qi.