vendredi 29 novembre 2019
Les bienfaits du Qi Gong
Cet article est la
retranscription d'une partie d'un stage de Qi Gong que j'ai animé faisant suite
à une question posée par l'une des stagiaires, à savoir donc : "pouvez
vous nous dire quels sont les bienfaits du Qi Gong ?"
Lorsque
j'ai commencé à étudier la médecine chinoise traditionnelle, mon enseignante de
MTC, Mme Wang De Feng, présentait cette médecine d'une façon très chinoise,
donc très pragmatique.
Elle nous
disait qu'avant d'aller chercher des explications compliquées dans des théories
très subtiles, il fallait tout d'abord commencer par chercher des éléments de
compréhension simples, dans les théories les plus simples elles aussi.
Par exemple,
si quelqu'un souffre d'une lombalgie, avant d'aller chercher un déséquilibre du
Yin des reins ou un dysfonctionnement de l'énergie du ciel antérieur, il faut
tout d'abord lui demander si il a fait des radios qui dévoileraient peut être
dans un premier temps une arthrose sur les vertèbres dans cette zone, arthrose
qui pourrait être à l'origine de l'inflammation d'un nerf.
On peut
avoir ce même niveau de lecture pour le Qi Gong... Avant d'aller chercher des
éléments de réponses complexes voir farfelues, partons tout d'abord du plus
simple pour nous acheminer tout doucement vers le plus compliqué.
Je précise
que je ne suis ni médecin, ni ostéopathe, ni psychiatre, ni chercheur en
neurosciences... je pratique, et en tant que pratiquant, j'ai cherché à
comprendre pour moi tout d'abord, puis pour les personnes qui pratiquent avec moi
ensuite, pourquoi "ça me fait du bien"...
J'ai
observé et analysé ma propre pratique afin, dans un premier temps, de
distinguer vraiment ce qui me faisait du bien, pour essayer ensuite de
comprendre "comment ça marche".
L'évolution
de la médecine, de la psychologie cognitive, des neurosciences, de l'imagerie
médicale, mais aussi des sciences du sport ont permis de confirmer que les
bienfaits ressentis du Qi Gong, du Tai Ji Quan ou du Yoga pouvaient
s'expliquer et se comprendre, et qu'ils ne relevaient ni de la magie ni
d'un ésotérisme alimenté principalement avec des "il faut
croire" ou "il ne faut pas chercher à comprendre".
Il n'y a
rien ni de merveilleux ni d'extraordinaire dans le fait que de s'exercer à une
discipline qui favorise une prise de conscience corporelle fine par des
mouvements lents et conscients et un travail respiratoire, permet de ressentir
un mieux-être ou du bien-être.
On sait
maintenant, pour l'avoir analysé, décortiqué, observé, mesuré, etc. que le Qi
Gong permet :
C'est le
plus évident ! Les mouvements lents et précis du Qi Gong agissent sur les
poignets, les coudes, les genoux, les doigts, le bassin, la colonne vertébrale,
le cou, les omoplates, etc.
Tout le corps
est sollicité et chaque structure articulaire profite ainsi d'une sollicitation
et ensuite d'un relâchement.
Ployer et
déployer les genoux, enrouler et dérouler la colonne vertébrale, passer le
bassin en postéroposition et antéroposition, exécuter des cercles avec les
mains, transférer le poids du corps latéralement et d'avant en arrière, etc....
Tous les exercices engagent le corps dans une grande mobilisation générale.
2. La mobilisation des muscles profonds.
Les muscles
profonds par exemple, le psoas et l’iliaque, l’ilio
dorsal, le long dorsal, les intervertébraux et le sus épineux sont
particulièrement sollicités dans les activités physiques qui demandent des
ajustements fins.
Très proches des articulations, ils sont peu volumineux.
Leurs fibres sont du type I lentes.
Leur fonction cybernétique est rendue possible grâce à leur grand nombre
de récepteurs neuromusculaires. Les muscles profonds sont responsables de
l’ajustement tonique et jouent un rôle important dans la stabilisation articulaire.
Leurs trois caractéristiques sont qu'ils sont peu volontaires, très
endurants, qu'ils s’atrophient en premier.
Ces spécificités
conduisent à penser leur renforcement et leur étirement de façon radicalement
différente de celle des muscles superficiels.
Les muscles profonds
jouent un rôle déterminant dans la maîtrise des mouvements et le maintien des
postures. L’un des premiers objectifs du Qi Gong est justement de corriger la
posture et donc d’engager le travail des muscles profonds.
L'exercice par exemple
de la posture de l'arbre (Zhang Zhuang) est un exercice qui va solliciter
efficacement les muscles profonds.
Les corrections
apportées par la posture favorisent, grâce à l'entretien de la tonicité des
muscles profonds, la proprioception.
La proprioception (du
latin proprius - propre à - et recipere - recevoir -) désigne notre capacité à
connaître la position de notre corps dans l’espace.
Elle rassemble trois propriétés :
- la sensibilité à la position (statesthésie)
qui nous informe continuellement des positions de chaque articulation grâce à
des récepteurs situés autour des articulations, dans les muscles et la peau.
- la sensibilité aux mouvements
(kinesthésie) : à la fois à la vitesse, à l’amplitude et à la direction.
- la sensibilité à la force.
La proprioception est de
deux types :
- inconsciente : elle intervient dans le
maintien de la station debout et dans les ajustements posturaux grâce à la mise
en jeu de voies réflexes médullaires et permet des ajustements rapides.
- consciente : elle repose sur le
traitement cortical des informations donc elle est volontaire.
Le travail en
proprioceptivité agit sur plusieurs plans :
- il exerce les différents mécanismes réflexes
et crée des automatismes protecteurs
- il renforce les muscles périarticulaires
- il construit le schéma postural physiologique.
C’est la neuroplasticité
- c’est-à-dire la réorganisation des réseaux neuronaux corticospinaux - qui
constitue le substrat physiologique de la rééducation proprioceptive.
Des travaux en
neurosciences (travaux de Stefan et al. en 2004 notamment ) ont prouvé le rôle
prépondérant de l’attention proprioceptive dans l’induction de la plasticité
neuronale.
Favoriser le travail
postural, sollicite les muscles profonds. Cette mobilisation des muscles
profonds renforce notre proprioception, qui va envoyer à notre cerveau des
schémas physiologiques plus précis, qui à leur tour vont favoriser une
meilleure plasticité neuronale et donc prévenir les altérations du
vieillissement cérébral en favorisant aussi ainsi l'entretien de nos schémas
neuronaux.
3. Le massage du
diaphragme
La respiration,
lorsqu'elle est amplifiée et consciente, agit de façon active sur une cloison
essentielle de notre corps : le diaphragme thoracique.
Notre diaphragme est un
muscle fin et aplati qui sépare la cage thoracique de l’abdomen. Il laisse
toutefois un passage à l’œsophage, à la trachée, aux nerfs, aux artères et
veines (dont l’aorte) ainsi qu’aux vaisseaux lymphatiques.
Lors de l’inspiration,
les fibres musculaires du diaphragme se raccourcissent en se contractant et
entraînent le centre du diaphragme vers le bas.
Pour cela il faut lutter
contre la pression abdominale et pousser le foie, l’estomac et les autres
organes vers le bas. Le muscle transverse de l’abdomen (ventre et bas-ventre)
se détend.
L’abaissement du
diaphragme crée une dépression (vide) dans les poumons qui aspire alors l’air
extérieur.
Lors de l’expiration,
les muscles du diaphragme se détendent et s’allongent grâce à la pression
abdominale et l’action du muscle transverse qui se retend (abdomen).
Les organes de l’abdomen
remontent et reprennent leurs places en poussant le centre du diaphragme vers
le haut.
On constate donc qu’à
chaque mouvement du diaphragme, les organes sont massés. Ce massage continu de
tout le système digestif favorise notamment une bonne digestion et un bon
drainage des fluides.
On peut donc affirmer
qu’une crispation ou tension du diaphragme va avoir une incidence directe sur
ce transit et le bon fonctionnement de ceux qui empruntent cette voie.
C’est le cas, par
exemple, avec le système nerveux sympathique qui active l’organisme en cas de
stress (élévation de la fréquence cardiaque, du rythme respiratoire, dilatation
des pupilles…) ou avec le système nerveux parasympathique qui lui au contraire
calme l’organisme (baisse de la fréquence cardiaque, du rythme respiratoire,
rétractation des pupilles…) et le ramène à l’équilibre (homéostasie).
La respiration est
d’ailleurs capable d’agir sur ce dernier et engendrer calme et retour à
l’équilibre. Par contre, si la tension est telle et que le système nerveux est
« coincé », il peut alors être à l’origine de désagréments comme une
augmentation du rythme cardiaque ou une dilatation des pupilles (éblouissement)
sans raisons concrètes pour nous.
En cas de stress et donc
de tension du diaphragme avec compression du système nerveux, l’organisme peut
donc avoir du mal à maintenir son équilibre.
Il possède également des
rôles un peu moins connus, mais tout aussi essentiels :
- Il régule l’équilibre acido-basique
par élimination du CO2 et des déchets dégradés et expulsés par les
poumons.
- Il a un rôle important dans le
brassage viscéral : il améliore la digestion.
- Il masse le cœur et régule la
fréquence respiratoire et cardiaque via le système nerveux parasympathique.
- S’il est en tension, il peut
donner des tensions dans le cou et les trapèzes de par son innervation
(c3c4c5).
- Il a un rôle dans la régulation
posturale (la proprioception vue plus haut).
Respirer de façon
consciente va donc permettre d'amplifier le mouvement du diaphragme et
d'effectuer un auto-massage porteur de multiples bienfaits : favoriser
l'élimination du CO2, améliorer la digestion, libérer les tensions, évacuer les
émotions négatives qui entravent la respiration, etc.
4. Le massage de notre
cerveau
Je dis cela avec un peu
d'humour, mais pourtant, c'est vrai.
Les immenses progrès
qu'ont fait les neurosciences permettent aujourd'hui de confirmer le rôle
important sur le cerveau du travail respiratoire conscient et des mouvements
lents du Qi Gong.
Les balancements lents
de certains exercices permettent de relâcher les tensions des membranes
protectrices du cerveau. Il y a donc une action physique possible, mais
aussi une action électro-chimique.
La détente et la
relaxation que permettent la respiration conscientisée, favorisent la
production de sérotonine, et permettent une modification de l'activité
électrique du cerveau, en développant des ondes alpha et têta, favorables à
l'évacuation des émotions et pensées stressantes.
Dans le cerveau, le
stress provoque l’atrophie de certaines zones comme l’hippocampe ou le cortex
préfrontal, de zones qui sont importantes notamment pour la mémoire,
l’apprentissage, la planification, la prise de décision. Mais également
l’hypertrophie de l’amygdale qui intervient sur la régulation émotionnelle. Et
cela génère plus de sensations négatives comme la peur, l’agressivité ou
l’anxiété.
Au niveau cellulaire, le
stress psychologique diminue la réponse immunitaire. Et il génère de
l’inflammation, qui si elle dure trop longtemps ou de manière répétée peut
entraîner des altérations au niveau des tissus. Il créé aussi des mécanismes
qui accélèrent le vieillissement cellulaire.
Tous ces mécanismes
toxiques du stress chronique sont liés à l’épigénétique.
Des chercheurs ont
démontré par des études menées sur des groupes de pratiquants de méditation
l’impact quasi-immédiat de la méditation sur les gènes pro-inflammatoires RIPK2
et COX2 ainsi que sur plusieurs gènes nommés "HDACs" qui régulent
l’activité épigénétique d’autres gènes en supprimant l’expression d’un composé
chimique.
Ces modifications
épigénétiques sont associées à une récupération plus rapide des niveaux de
cortisol, à la réponse au stress, l’inflammation et le vieillissement
cellulaire qui sont des facteurs de risques pour la plupart des maladies
chroniques.
5. Le développement de
la vertu d'humanité
« Fortifier le corps, développer les sens, et éveiller
l’esprit »
C’est une devise du
Daoyin Qi Gong ; c’est une ligne de conduite autant qu’une pensée
fondatrice.
Guider et étirer
l’intention, pour nourrir les principes vitaux, pour nourrir l’intérieur, c'est
le sens de Daoyin, ce petit mot anodin placé devant Qi Gong pendant plus de
2000 ans et qui disparu par décision politique en 1949 !
« Fortifier le corps,
développer les sens et éveiller l’esprit ». Les anciens maîtres du Tao ne
se trompaient pas : nos cinq sens sont des vecteurs d’expérimentation, de
connaissance, de découverte et d’adaptation à notre environnement.
Il n’y a pas
d’expérience du monde que nous puissions faire à l’extérieur de nous même ! Nos
capteurs sensoriels reçoivent le monde, notre système nerveux l’interprète et
notre cortex cérébral le vit ! Nos sens façonnent nos mémoires : nos mémoires
sensorielles, intellectuelles, physiques et émotionnelles. L'addition de ces
mémoires fait que l'on vit le monde qui nous entoure et structure notre
psychologie.
Une symphonie puissante
se joue dans notre corps, liant entre elles des neuro-stimulis que notre
cerveau va interpréter, va transformer, va choisir d’amplifier ou d’oublier.
Le chef d’orchestre de
cette symphonie parfois harmonieuse, parfois discordante, c’est nous. Mais qui
sommes nous ? Qui suis-je ?
Daoyin... Guider et
étirer l’intention… Notre sensorialité nous ramène à notre corps car grâce à
nos perceptions nous pouvons observer et comprendre notre environnement.
Revenir à notre corps, c’est retrouver la conscience d’exister, de percevoir le
mouvement de la vie en soi.
Si il y a mouvement et
si il y a respiration, alors il y a vitalité.
Mobiliser le mouvement,
mobiliser la respiration, c’est mobiliser la vie.
C’est l’éveil de la
conscience, c’est être.
On parle tellement du
bien-être de nos jours, en oubliant parfois de préciser que le bien-être c'est
surtout être bien ! C'est une attitude qui s'établit dans la durée et qui
prédispose au bonheur.
Il faut une force
mentale, une rectitude, une énergie ferme, bienveillante et non complaisante
pour s'établir dans le bonheur. Cela n'a rien à voir le plaisir, qui par
définition est éphémère.
La somme de tous nos
plaisirs ne nous rend pas plus heureux. Elle nous rend plus dysfonctionnel,
plus exigeant, plus sclérosé... Le bonheur est ce qui nous lie à l'Autre. On
peut avoir le déplaisir de manger un plat peu appétissant, mais goûter quand
même au bonheur de manger ce plat entouré de tous nos amis. Ce n'est pas le
plat qui est alors important, c'est la force de ce moment de vie en commun avec
les gens qu'on aime.
Si le Qi Gong n'est
qu'un outil de développement personnel alors toute la sagesse des anciens
maîtres du Tao peut être considérée comme perdue.
Le Qi Gong doit nous
permettre de nous relier à la Vie ,
au vivant et aux vivants.
Le Qi Gong, en nous
permettant de fortifier notre corps, de développer nos sens et d'éveiller notre
esprit, doit être un outil non pas de développement personnel, mais de
développement spirituel, d'existence, dans le sens d'Ex Sistere, de
"sortir de", de nous "manifester à", et d'être porteur
autour de nous d'apaisement et de vitalité.
Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas
qu’il te fasse, mais fais à autrui ce que tu aimerais qu’il te fasse, ceci sans
s’opposer à son intention » (Li Ji) « Livre
des Rites » - Confucius
L’Etre humain (Ren) voit le Ciel (Tian) et
peut recevoir le souffle spirituel (Shen Qi),
L’Etre humain écoute la terre (Ti) et peut comprendre le souffle essentiel (Jing Qi),
L’Etre humain échange avec l’Etre humain (Ren) et peut évoluer (changer le cours des choses ou le destin) (Ming).
L’Etre humain écoute la terre (Ti) et peut comprendre le souffle essentiel (Jing Qi),
L’Etre humain échange avec l’Etre humain (Ren) et peut évoluer (changer le cours des choses ou le destin) (Ming).
Celui qui ne sait pas voir le ciel et ne veut
pas comprendre la terre demeurera l’esclave de l’Etre humain ou achètera
celui-ci. (Shing Ji) - « Le Livre des
Odes » - Confucius
Ainsi, qui se veut Dur, qu'il se garde par la
douceur
Et qui se veut Puissant, qu'il se protège par
la souplesse.
Par douceur accumulée on se fait Dur
Par souplesse accumulée, on se fait puissant.
(...)
Le puissant vainc qui lui est inférieur ;
Contre qui lui est égal, sa puissance n'est
que de même force.
Le doux, lui, vainc même ce qui le dépasse ;
Il dispose d'une force
incalculable. Traité du prince de
Huainan
Perdu en mer, un homme ne distingue plus l'Est
de l'Ouest ;
Mais il lui suffit de trouver l'étoile Polaire pour se repérer.
La nature de l'homme est son étoile polaire :
Qu'il se considère lui-même
Et il ne perdra rien des dispositions propres des êtres ;
Sans ce regard sur soi,
Au moindre choc, il est profondément perturbé.
C'est comme de se baigner à Longxi :
Plus on s'agite, plus on s'enfonce. Traité du prince de Huainan
Mais il lui suffit de trouver l'étoile Polaire pour se repérer.
La nature de l'homme est son étoile polaire :
Qu'il se considère lui-même
Et il ne perdra rien des dispositions propres des êtres ;
Sans ce regard sur soi,
Au moindre choc, il est profondément perturbé.
C'est comme de se baigner à Longxi :
Plus on s'agite, plus on s'enfonce. Traité du prince de Huainan
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