samedi 28 décembre 2019

La méditation comme voie d'édification du bonheur



Méditation...

L'étymologie latine commune de méditation est méditari, qui signifie "préparation (à un discours, à écrire)" / "réflexion profonde".
Il est intéressant néanmoins de regarder la combinaison toujours latine de ce mot, à partir de son radical et de son suffixe : médio stare, pour méditer, soit se tenir (stare) au centre (médio) ; médius axio, pour méditation, soit dans ce cas agir au centre.

Lorsque les premiers prêtres jésuites missionnaires entrèrent en contact avec l'Inde, la Chine ou le Japon, ils ne choisirent pas au hasard de traduire par exemple le mot sanskrit Dhyana par méditation, car étymologiquement Dhyana (qui désigne l'ensemble des pratiques méditatives immobiles) signifie justement aussi "agir au centre".

Cette action au centre de soi, ou se tenir au centre de soi, permet de relier son esprit à ses actions, et donc de prendre conscience de l'action de son esprit à l'intérieur de soi, mais aussi de cette action à l'extérieur de soi.

Or, relier son esprit à l'action, c'est bien le sens étymologique de la respiration (re spir axio - relier l'esprit à l'action). Et la respiration est bien la combinaison de l'inspiration (l'action de l'esprit à l'intérieur - ins spir axio) et de l'expiration (l'action de l'esprit à l'extérieur - ex spir axio).

On voit bien là, au delà des cultures, des peuples et des pensées, une unité humaine qui témoigne de sa sagesse : respirer favorise une action au centre de son être et méditer (agir au centre de soi, ou se tenir au centre de soi) prend comme outil de travail la respiration.

Cela permet une culture mentale, un Bhavana, si on le dit en sanskrit et que l'on fait référence à l'hindouisme ou au bouddhisme.
Cette culture mentale a pour objectif de permettre au pratiquant d'atteindre un état de quiétude, de paix intérieur, nommé Samatha.
Les exercices permettant spécifiquement cette culture mentale en vue d'atteindre cet état de quiétude s'appellent des Vipassana (litt. exercices de la vision juste ou de la juste vision des choses).

Pourquoi parle t-on aujourd'hui tant de pleine conscience ? 
C'est tout simplement parce que dans le bouddhisme, le texte fondateur ou le discours du bouddha historique qui traite de cette culture mentale favorisant la quiétude s'appelle le discours pour l'établissement de la pleine conscience : Satipattahna Sutta.

L'attention (Sati) ou le Pleine Conscience y est étudiée et détaillée sous quatre aspects distincts : 
- L'attention ou la Pleine Conscience relative au corps, avec notamment le travail de la respiration
- La pleine conscience relative aux sensations
- à l'esprit
- et enfin aux formations mentales.

Alors que notre monde moderne contemporain est tellement enclin à permettre aux êtres humains de cultiver leur "bien-être", la méditation nous renvoie à l'art de cultiver notre être pour qu'il soit bien. 

Bien être... Être bien... Il s'agit ici d'apprendre à différencier le plaisir et le bonheur, l'éphémère et le permanent.

Miser sur le fait que le bonheur est une somme de plaisirs, c'est inévitablement alimenter un cercle vicieux au travers duquel chaque plaisir prenant fin, commencera alors une quête de nouveaux plaisirs, avec une surenchère évidente d'ivresse, d'intensité... 

Il convient dans cette conception du "bien-être" de pouvoir avoir sa séance de massage hebdomadaire, sa télé 4k, ses abonnements à divers services de streaming, ses repas au restaurant, sa séance mensuelle de ciné, sa musique à la demande, sa maison avec l'entrée bitumée pour ne pas salir les roues de son SUV, etc, etc... Avoir, avoir, avoir... pour exister !

Ce qui est antinomique ! Avoir pour exister... Là encore, intéressons nous à l’étymologie latine du mot existence : Ex Sistere, sortir de, se manifester à...
Serait ce donc par la somme de nos possessions, de nos avoirs, que nous pouvons nous manifester aux autres ? 
Puisque nous parlons bien là encore d'un mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur, qu'avons nous réellement à offrir, à manifester au reste du monde, si ce n'est ce qui s'est édifié à l'intérieur de nous ? 

Nous sommes une somme d'expériences, de mémoires additionnelles, physiques, intellectuelles, émotionnelles, psychiques... N'est ce pas par la somme de nos vertus, de notre capacité à la bienfaisance et à la bienveillance, par la somme de nos états d'être bienveillants, que nous nous manifestons le plus agréablement aux autres ?

Nous pouvons faire le choix de vivre dans la colère, l'agacement, la jalousie, l'estime de soi, la convoitise... Mais quel étrange bonheur construisons nous là ? 

Être bien, structurer en soi sa capacité au bonheur nécessite une force d'esprit, une volonté, une rectitude, une discipline qui ne peut se faire que par la culture de notre esprit. Il n'y a aucun entrainement spécifique à mener pour être agressif, jaloux ou énervé. Par contre, il y a un entrainement évident à mettre en place pour maintenir en soi une paix intérieure et un esprit altruiste et aimant.

Lorsque nous sommes sous l'empire de nos pulsions et de nos compulsions, notre bien-être se constitue de la somme de nos plaisirs. L'Autre peut devenir un empêcheur de tourner en rond, il peut limiter le temps de nos plaisirs, il peut menacer nos plaisirs, il peut demander à les partager.

Pratiquer la culture mentale permet de sortir justement de cette domination de notre être par nos pulsions et compulsions. On peut apprécier un bon repas, un délicieux vin, mais ce repas sera gâché si nous le partageons qu'avec des personnes que nous n'apprécions pas.
A l'inverse, un simple paquet de chips et une tranche de jambon sera un festin si nous les partageons avec nos amis ou notre famille.

Le plaisir est impermanent, éphémère et capricieux.
Je ne peux pas faire reposer mon bonheur sur des possessions. Ma voiture, ma maison, ma montre qui coûte trois fois le salaire d'un ouvrier, mes habits que j'achète de façon compulsive, etc., tout cela peut être important dans ma vie, mais toutes ces choses extérieures sont impermanentes.
Si mon bonheur ne tient que sur ce qui est à l'extérieur de moi, alors lorsque cet extérieur change, se dégrade ou disparaît, mon bonheur devient fragile ; lui aussi change, se dégrade ou disparaît.

Le bonheur est à l'opposé de cela, et n'exclut pas la notion de plaisir, mais n'en n'est pas dépendant. Un événement douloureux pourra nous plonger dans une profonde tristesse, sans toutefois remettre en question le sens de notre existence et notre bonheur.

Dans le bouddhisme, le bonheur résulte de l'empathie, de la bienveillance, de l'altruisme, de la compassion et de l'amour. La méditation permet d'appréhender en soi l'influence des événements de la vie sur notre mentale afin de développer notre capacité à la résistance, voir à la résilience, en tout cas à l'adaptation !

Le stress, cette maladie de notre monde moderne, se définit de la façon suivante :

"Agression de l'organisme par un agent physique, psychique ou émotionnelle entraînant un déséquilibre qui doit être compensé par un travail d'adaptation" Docteur Hans Selye - 1936 - université de médecine de Montréal, Canada.

Le mal être résulte de cette incapacité à l'adaptabilité. 
Plus notre égo est débordant, impérieux et exigeant, moins on s'adapte. 
Hors l'égo n'est pas l'être... et le plaisir n'est pas le bonheur !

Il s'agit de pouvoir retrouver notre présence au centre de nous même, remettre de la conscience dans nos pensées, comprendre que nous créons en nous des agrégats de pensées, qui prennent forme, qui prennent vie, et que nous pouvons donner naissance en nous à des petits monstres intérieurs d'égoïsme, de colère, de suffisance, de condescendance, de jalousie, de mesquinerie, de rumination intellectuelle, ... et que ces "monstres-pensées" peuvent prendre toute la place de notre raisonnement, confinant notre conscience et notre capacité au bonheur dans une zone d'ombre alors inatteignable. 


Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse, mais fais à autrui ce que tu aimerais qu’il te fasse, ceci sans s’opposer à son intention » (Li Ji) « Livre des Rites » - Confucius


Perdu en mer, un homme ne distingue plus l'Est de l'Ouest ;
Mais il lui suffit de trouver l'étoile Polaire pour se repérer.
La nature de l'homme est son étoile polaire :
Qu'il se considère lui-même
Et il ne perdra rien des dispositions propres des êtres ;
Sans ce regard sur soi,
Au moindre choc, il est profondément perturbé.
C'est comme de se baigner à Longxi :
Plus on s'agite, plus on s'enfonce.      Traité du prince de Huainan












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